Scarlean, l'interview "Can’t Hear Her Scream" by Bastonne!
Quand Scarlean sort un titre, ce n'est généralement pas pour brasser de l'air ! Ils reviennent avec "Can't Hear Her. Scream", un single-clip fort, pour un thème qui l'est tout autant ! Bastonne! a sorti sa plume et laissé Alexandre Soles, le lead de ce quintet nous raconter tout ça ! Comme à l'accoutumée, il ne mâche pas ses mots quand une cause lui tient à coeur ! Designer de son état, sa palette de couleurs est large lorsqu'il s'agit de se dévoiler ou de faire connaître les intentions de Scarlean. Pas d'états d'âme, juste des faits !

Bastonne! : Bonjour Alexandre ! Nous sommes ensemble pour une petite entrevue à l’occasion de la sortie de votre dernier single-clip "Can’t Hear Her Scream" !
Comment te sens-tu depuis la sortie récente du dernier single de Scarlean, "Tainted by Ink of Fears" ?
Alexandre : Ce titre a été très bien accueilli et les retours sur les clips, réalisés en collaboration avec la team Cana Prod, ont été excellents. Scarlean évolue; nous avons un nouveau logo, une approche plus moderne, plus ancrée, et surtout encrée dans notre époque. Il y a une nouvelle rage qui nous anime, une envie de dire les choses autrement, plus frontalement. Et ce n’est que le début : beaucoup de choses vont encore bouger d’ici la fin de l’année !
Bastonne! : Scarlean revient en force avec "Can’t Hear Her Scream", un morceau fort, porteur d’un message essentiel : la lutte contre les violences faites aux femmes. Qu’est-ce qui vous a poussé à aborder un tel sujet ?
Alexandre : Nous avons toujours été sensibles à la maltraitance, quelle qu’elle soit. On avait déjà abordé ce sujet dans "The Hand on Your Skin", qui évoquait plus directement les violences faites aux enfants. Ce thème nous touche profondément, car la plupart d’entre nous sommes parents, époux, compagnons… et les liens que nous avons avec nos familles sont puissants. Nos proches font partie intégrante de notre aventure, que ce soit dans les clips, sur scène, ou en coulisses. Alors imaginer d’autres vies, celles de femmes ou d’enfants opprimés, maltraités… ça me rend littéralement fou ! C’est, pour moi, le sommet de la lâcheté.
Je le vois partout : dans les médias, la presse, même dans certaines conversations banalisées. Trop souvent, les femmes sont encore maltraitées. Et le milieu metal n’en n'est pas épargné ; ces derniers temps, beaucoup de choses refont surface. Mais chez nous, cette prise de conscience n’est pas récente. Elle a toujours été là, au cœur de notre démarche.
J’ai ressenti le besoin de m’exprimer plus frontalement cette fois-ci. C’est pour ça qu’on fait de la musique : pour exorciser, pour crier, pour transmettre. L’exutoire est essentiel. Le message aussi. Je n’ai jamais cherché à être drôle dans mes textes, et je n’en vois pas l’intérêt. Depuis le début, je dénonce à ma manière, en créant des tableaux, des scènes de vie. J’essaie de secouer les consciences. Relisez les textes de nos quatre albums : ce combat, il est là depuis le début.
Bastonne! : C’est un thème qui va certainement résonner auprès de vos fans. Quels ont été les premiers retours à ce propos ?
Alexandre : Les retours parlent d’eux-mêmes. "Can’t Hear Her Scream", ne pas entendre ses hurlements. C’est exactement ça. Beaucoup de personnes nous ont remercié d’avoir mis en lumière ce drame social. Et ce qui nous bouleverse le plus, ce sont les messages de fans, d’amies, qui nous confient avoir vécu ce genre d’horreur… parfois sous nos yeux, sans que jamais on ne s'en soit rendu compte. Nous avons mis beaucoup d’énergie dans ce morceau ; une énergie à la fois lumineuse et profondément sombre. Et personnellement, tous ces témoignages me touchent en plein cœur.
Le pire, ce sont les silences. Ceux qui savent mais ne disent rien. Qui préfèrent ne pas s'en mêler. Et de l’autre côté, les victimes, qui cachent ce qu’elles vivent, par peur, par honte, pour protéger leurs enfants. Comment pourrions-nous les juger ? C’est de survie dont on parle. Personne ne peut comprendre ce que cela implique, tant qu’il ne l’a pas vécu. Mais ceux qui laissent faire, ceux qui détournent les yeux… et bien-sûr les bourreaux… j’éprouve pour eux une haine profonde. Une vraie. Ce morceau, c’est aussi pour ça. Pour qu’on n'arrête de se taire !
Bastonne! : Était-il nécessaire, selon vous, de préciser qu’il s’agissait "d’un cri sourd contre les violences faites aux femmes" pour que le message soit bien compris ?
Alexandre : Avec cette phrase, on a voulu illustrer ce cri intérieur, cette douleur, cette détresse qu’on ne voit pas, qu’on n’entend pas. Être la voix de celles et ceux à qui on refuse de donner la parole. Nous suivons certains combats, et nous y prenons part aussi. Ce qui me sidère, c’est de voir à quel point certaines femmes sont réduites au silence, muselées par un petit groupe d’hommes assez nombreux pour les faire taire ; et parfois, comble du paradoxe, avec la complicité d’autres femmes. Là, on parle de soumission par intérêt, par ‘fame’. Surtout ne pas abîmer la belle carrosserie de la machine, qui finira pourtant un jour dans le fossé…
Moi, ce que je voudrais, c’est voir plus d’hommes s’engager, prendre position, défendre cette cause. Ce cri est sourd uniquement pour ceux qui refusent de l’entendre. Parce qu’au fond, il est assourdissant.
Bastonne! : D’ailleurs, revenons un instant sur le single précédent "The Hand on Your Skin", ce titre semble aussi porter un message à double sens ? Cette société marquée par les violences envers les plus fragiles est-elle devenue trop insupportable pour toi et les membres du groupe ?
Alexandre : "The Hand on Your Skin" porte un message très fort. Pour celles et ceux qui n’ont pas suivi l’actualité, notre Ghost (personnage récurrent que l'on retrouve dans les clips ou pochettes de Scarlean), Èric, présent dans la plupart de nos clips, est porte-parole mais également l’une des victimes de "l'affaire Betharram" (cf actualité). Une affaire étouffée pendant des années, jusqu’à ce qu’elle refasse surface récemment, et ce, uniquement parce que François Bayrou, ce "'bâtard' de Premier ministre", a été impliqué* . C’est honteux qu’il faille attendre une chute politique pour que la vérité ressorte. On a eu, bien-sûr, beaucoup de ‘mots doux’ pour les représentants du christianisme. Dans "Treat Me Bad", on dit d’ailleurs : ‘Christianity is a Whore’. Ce n’est pas gratuit. Nos textes ont toujours été imprégnés de notre réalité, de ce qu’on vit, de ce qu’on voit autour de nous, au contact de nos proches.
Mon fils a sept ans ; alors l’idée même que de telles horreurs puissent lui arriver me glace le sang. Ça me fait peur, profondément. Donc je le protège ; j’espère que chacun fera pareil pour les siens. Parce que fermer les yeux, c’est déjà être complice !
*(Précision de Bastonne! L'implication reprochée à monsieur Bayrou est celle de ne pas avoir dénoncé les actes que de nombreuses personnes lui aurait rapportées, alors qu'il était sous mandature dans sa ville de Pau et ancien Ministre de l'Education Nationale. Il n'est donc pas directement impliqué dans les actes commis sur les enfants mineurs. La justice n'ayant pas encore tranché, il est évident que Mr Bayrou bénéfice de la présomption d'innocence).
Bastonne! : Revenons au single "Can’t Hear Her Scream"… La vidéo débute avec une citation de H.P. Lovecraft :
"Entre les fantasmes du cauchemar et les réalités du monde objectif, une relation monstrueuse et impensable était en train de se cristalliser, et seule une vigilance stupéfiante pouvait prévenir des développements encore plus funestes."
Lovecraft nous propose un univers fantastique et horrifique : aurait-il inspiré le clip ou bien est-ce le clip qui vous a conduit à cette citation ?
Alexandre : Cette phrase est extraite de “The Dream in the witch House”, une nouvelle écrite en 1933 pour le magazine “Weird Tales”.
Je suis un grand fan de Lovecraft, et le clip ainsi que le texte m’ont immédiatement ramené à cette phrase que j’avais gardée au fond de ma mémoire. Elle illustre parfaitement ce que je voulais exprimer, autant dans l’ambiance que dans les images. Pour briser le cycle, il faut se réveiller. Affronter le mal, le voir, le sentir venir, mais surtout, ne pas laisser le doute s’installer.
Bastonne! : Le clip s’ouvre sur un plan en plongée dans une forêt, avant de se refermer derrière l’intimité d’une porte qui claque lourdement. Comme souvent avec Scarlean, le livre et l’écrit occupent une place importante, et les mots dans vos textes sont forts, parfois violents. On sent une volonté de faire passer un message comme un étendard. Cela s’entend aussi dans ta voix, Alexandre, dans cette colère, presque jusqu’à la déformation du visage. J’irais même jusqu’à dire qu’on l’entend de plus en plus. Est-ce une manière pour toi d’extérioriser tes colères ? Quelles sont-elles aujourd’hui ?
Alexandre : Ne pas être en colère contre le monde d’aujourd’hui, c’est soit de la folie, soit de la pure stupidité. On peut être heureux dans sa vie, et je le suis, mais ça ne n’empêche pas de voir, de comprendre, de ne pas détourner le regard. Moi, j’écris pour dénoncer, pour exulter toute cette haine, toute cette dégoûtante réalité qu’on tolère dans notre société. Alors quand je chante, je donne tout. J'hurle ! Je vide tout ce que j’ai.
Dans le clip, la forêt représente la liberté. Derrière la porte, c’est le cauchemar. Et même lorsqu’elle s’en échappe, ce cauchemar la poursuit, la happe, la ramène à lui. Elle pense être libre, mais ce n’est qu’une illusion. Au réveil, le mal est toujours là...
Regardez bien la dernière image du clip, après le réveil. Tout est là. Il faut plusieurs visionnages pour en capter toutes les subtilités. Rien n’est laissé au hasard.
Bastonne! : On voit dans le clip une jeune femme jouant le rôle de la victime, plongée dans son rêve. Qui est-elle ? Vous avez l’habitude d’impliquer votre entourage ou vos fans dans vos clips, est-ce encore le cas ici ?
Alexandre : Cette fois, c’est Prescilia Digon qui a incarné le rôle principal. Prescilia, c’est la maquilleuse de Cana Prod ; elle a maquillé tous nos modèles sur nos derniers clips, avec un talent dingue. Je vous invite vraiment à découvrir son travail sur Instagram. J’ai toujours pressenti en elle une vraie force intérieure. C’est fou, parce qu’en surface, elle dégage un calme et une gentillesse rare. Il fallait vraiment le sentir.
Elle a tout déchiré, exactement comme on s’y attendait. Une implication totale, et une qualité d’interprétation bluffante. On a encore ses cris sur bande, et franchement, ça ressortira un jour car ça en vaut la peine ! Les coulisses du tournage étaient hallucinantes : imaginez un géant masqué en loup, une démoniaque au masque de cerf, et une jeune fille, en train de hurler à minuit, dans une grange éclairée en rouge, un vrai film d’horreur ! Heureusement, les voisins étaient très loin !
Prescilia, pour son premier rôle, a été incroyable. Et ce n'est pas tout ! Ma femme, Jessie, a assuré les doublages de respiration à la fin, Mimijeanne, la femme de Michel s’est occupée de l’assistance lumière et du clap pendant le tournage. On a tourné tout ça chez Ludmila et François Caylus, des amis qui nous ont accueillis dans leur magnifique château. C’est d’ailleurs François qui joue le loup, et Melinée, pour qui c’était aussi une première, a incarné le cerf démoniaque. Une fois le masque sur le visage, elle faisait flipper tout le monde ! Elle était à fond dans son rôle, très imprégnée ! Nous lui avons laissé le masque en partant car c’était mérité !
Des anecdotes comme ça, on en a plein ! Il faudrait, d'abord, que je vois avec elle si on peut vraiment tout raconter !
Bastonne! : C’est aussi le cas du côté de la technique : vous travaillez avec une équipe fidèle, presque comme une entreprise familiale : Mr Cana Prod, certains membres de votre entourage pour le son, le mixage…
Cana Prod, c’est la boîte de prod montée par notre guitariste Michel (Scarlean), qui bosse en binôme avec Mimi, sa compagne, où dans laquelle, Geo, notre deuxième guitariste, est aussi impliqué sur le sound design et certains VFX.
De mon côté, avec Dvrkmedia, je m’occupe de l’écriture, de l’infographie et de toute la partie communication. Et pour boucler la boucle, Fabien, notre batteur, a pris en charge l’enregistrement, le mix et le mastering du morceau. Chacun apporte ses compétences ; ça nous permet d’être très indépendants. Nous maîtrisons toute la chaîne de production, de la première note jusqu’à la sortie du clip. Et ça, c’est une vraie force !
Bastonne! : Musicalement, le morceau est puissant. J’ai beaucoup aimé le duo guitare-batterie au milieu de la chanson, qui évoque presque des rafales de mitraillettes ou de kalachnikovs, alors que, paradoxalement, la basse semble plus douce. Est-ce une bonne interprétation ?
Alexandre : Nous avons fait monter l'intensité de morceaux pour suivre le scénario. Aujourd'hui nous voulons une musique plus incisive. Plus massive laissant plus de place aux guitares. L'intensité vient de l'interprétation et du lien entre texte et musique quoi qu'il arrive.
Bastonne! : Et puis, soudain, tout s’arrête. On croit à la fin du cauchemar… ou à la fin d’une vie. Il y a ce souffle de soulagement, comme si l’on sortait d’un mauvais rêve. Mais ce n’est qu’illusion ! Est-ce une manière de jouer sur l’adage "Les apparences sont parfois trompeuses" ? Vous semblez aimer cultiver cette ambiguïté.
Alexandre : Ce que nous voulions montrer, c’est ce cycle sans issue; le cauchemar en embuscade, toujours prêt à revenir dès qu’on reprend souffle. Une accalmie, rien de plus, avant la rechute. Pour nous, il n’y a rien d’ambigu. Mais j’aime écrire dans l’ombre, laisser des failles ouvertes, des signes à déchiffrer. Que l’esprit s’y perde, s’y enfonce, et creuse jusqu’à l’inconfort.
Bastonne! : Au générique de fin, accompagné d’une musique douce, presque réconfortante, vous rappelez le nombre de victimes dans le monde de cette abomination qu’est la violence faite aux femmes. Ce single-clip pourrait presque servir de support aux associations qui luttent pour leur protection.
Alexandre : Et ces chiffres, on ne va pas se mentir, sont loin d’être clairs. On ne mesure certainement pas ce qui se passe réellement dans certains pays comme en Inde, par exemple. Aujourd’hui, quand on voit la politique de Trump, qui célèbre le patriarcat et un monde gouverné par des hommes, comment veux-tu que les choses évoluent dans le bon sens ? Quand la première puissance mondiale donne raison aux bourreaux, qu’est-ce qu’il reste ? Heureusement qu’il y a des associations, oui. Mais pour tout te dire, on en a contacté deux très grosses, pour avoir leur soutien, des infos : Silence total. Aucun retour. À un moment, si personne ne serre les coudes, rien ne bougera. La musique de fin, c’est comme une berceuse, mais une berceuse sombre. On voulait offrir un souffle, un peu de réconfort, après la tension du clip et du morceau. Parce que l’intensité, après tout, c’est une question de perception ,surtout dans le métal, hein… dixit un groupe qui refuse obstinément de growler. ;)
Bastonne! : Un single, puis un autre… Ces sept derniers mois ont été très productifs. Vous avez même terminé premiers aux French Metal Awards dans la catégorie "Vidéo fusion" pour "The Hand on Your Skin". Alors… à quand un nouvel album ? Est-ce prévu, ou préférez-vous pour l’instant le format single ?
Alexandre : Pour l’instant, on avance comme ça : un titre, un clip. Pas d’album à venir, mais un concept bien défini. On sait où on va, et surtout comment on y va. L’idée, c’est de proposer un univers dense, exigeant, avec un nouveau morceau tous les quatre ou cinq mois. Garder le cap, ne rien lâcher. On a encore de la réserve, et on est déjà en plein dans les arrangements et la composition des prochains titres.
Bastonne! : Pour finir, avez-vous des dates de concerts ou festivals à venir ?
Alexandre : Quelques dates arrivent mais on se concentre surtout sur la composition et les clips cette année. On espére que ca va payer pour 2025, mais globalement on y croit plutôt fort ;).
Bastonne! : Merci infiniment, Alexandre et Scarlean, pour cet échange. Bonne route à ce single !
Alexandre : Un grand merci a toi pour cette tribune et pour la profondeur de tes questions !
Dj pour Bastonne!
Pour rappel :
- 1 femme sur 3 dans le monde a subi des violences physiques et/ou sexuelles au cours de sa vie, principalement de la part d'un partenaire intime.
- Environ 27 % des femmes âgées de 15 à 49 ans ayant été en couple ont été victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur partenaire.
- En 2023, 85 000 femmes et filles ont été tuées intentionnellement dans le monde, dont 60 % (51 100) par un partenaire intime ou un membre de la famille.
- Environ 6 % des femmes ont subi des violences sexuelles de la part d'une personne autre qu'un partenaire.
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